S’il est vrai qu’il est dangereux pour un Manager de descendre dans les moindres détails opérationnels sans risquer de s’y noyer, il est néanmoins primordial qu’il s’en préoccupe pour identifier les moyens adaptés aux objectifs fixés. Car limiter son rôle à la simple ‘capitainerie’ du « Paquebot Projet » risquerait de le conduire à quelque drame «Titanisque » ! En effet, le rôle du manager n’est-il pas avant tout de définir les moyens : quels processus, quels acteurs, quels outils ? Car, comme le disait Edward Deming, père du Toyota Production System dans les années 50 et grand maître à penser du « management by means » (par opposition au « management by results »), « il ne sert à rien de fixer des objectifs à une organisation car elle ne pourra produire que ce dont elle est capable ! Il est préférable de définir les moyens qu’on peut lui allouer et de mesurer ensuite le résultat de ce qu’elle a produit ! » Ce qui est effarant c’est le peu de cas que font les managers des moyens alloués pour atteindre les objectifs fixés en termes de qualité, coûts et délais. Ce qui présente deux effets pervers, en particulier sur les projets informatiques ! Tout d’abord, la chaîne de production depuis l’expression de besoin fonctionnel jusqu’à la livraison de la fonction applicative n’est pas maîtrisée. Car en informatique – contrairement aux projets industriels – «l’ouvrage immatériel» ne prend forme que dans les tous derniers instants, quand on ne peut plus que constater l’inadéquation du résultat avec les attentes ! Et l’informatique étant devenue une affaire d’experts, tous spécialistes d’une technologie, il n’est pas rare de voir jusqu’à 10 ou 20 acteurs différents impliqués dans le processus de mise en œuvre. Il en résulte un effort de synchronisation colossal pour s’assurer que chacun a bien reçu dans les temps les informations nécessaires à la réalisation de sa tâche. Le second effet pervers, relève du rôle même du manager. N’ayant pas les moyens (ou les compétences techniques) de prendre la mesure de l’avancement réel des tâches unitaires sans risquer d’être submergé par les détails opérationnels, il en est réduit à attendre de ses équipes la livraison finale de leur travail. Même s’il trouve toujours le moyen de s’occuper avec la planification continue des tâches et de leurs dépendances dans un diagramme de Gantt, il trouve quand même le temps long. Et l’ignorance des réalités opérationnelles fait souvent place à un stress agressif qui trouve son exutoire dans de sempiternelles réunions de coordination aux relents de combats politiques. Pour couronner le tout, les échanges d’emails – pièces à conviction patiemment accumulées qu’on pourra ressortir quand on découvrira que le projet a pris l’eau – occupent aussi une large partie de son quotidien, et alimentent les controverses des prochaines réunion. On peut se demander dans quelle mesure, le manager de projet n’aurait pas un impact contre productif sur la bonne marche du projet ? Car le rôle du manager n’est-il pas d’être plutôt au soutien de son équipe en s’employant à lever les freins opérationnels auxquelles elle fait face, plutôt que de redéfinir sans cesse des objectifs irréalisables !? Le rôle du manager n’est-il pas de s’assurer que les décisions dans leurs moindres détails opérationnels peuvent être prises sans délais directement sur le terrain, en formalisant les flux de communication et en structurant les échanges pour qu’il ne soit pas nécessaire de l’impliquer dans de multiples réunions de coordination !? Le rôle du manager n’est-il pas de garantir la transparence du travail de ses équipes vis-à-vis d’équipes partenaires, seul moyen de rétablir les liens de confiance entre les individus et éviter la prolifération d’eMails d’auto justification de défaillances annoncées ?! Mais comment un projet peut-il être « piloté par les moyens », avec une vraie implication sur les tâches unitaires sans risquer de se noyer dans l’étendue des détails opérationnels ? Le manager du 21° siècle serait-il un cadre mutant capable de concilier l’inconciliable ? Probablement pas ! Car aujourd’hui l’échec d’un projet ne peut être endossé par les individus eux-mêmes sinon par l’organisation du travail dans laquelle ils s’inscrivent. C’est là le principal rôle du manager de demain : penser l’organisation dans son ensemble et appréhender toutes les implications de son équipe au sein de cette organisation ! Cela revient concrètement à maîtriser l’efficacité et la qualité des interactions sans avoir à se soucier du contenu des échanges. C’est-à-dire se demander « Pourquoi ? » afin de répondre au « Comment ? » sans se soucier du « Quoi ? » S’il parvient à résoudre ce triptyque, il maîtrisera au quotidien le bon déroulement du projet sans risquer de se noyer dans un océan de détails. A l’heure du web 2.0, de l’avènement du tout collaboratif et des réseaux sociaux en ligne, les acteurs opérationnels auront de plus en plus de mal à envisager leur quotidien sans le support d’outils collaboratifs les guidant dans leur travail quotidien et leur épargnant le fardeau du chef de projet « inutile » à qui il faut – en plus du reste – fournir du « reporting ». Car le manager 2.0 sera celui qui, ayant mis à disposition de ses équipes les outils collaboratifs adéquats, saura en exploiter le contenu pour y puiser son reporting sans même solliciter ses équipes … à l’insu de leur plein grès !
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