Si la vague ITIL continue de susciter un bel engouement auprès des DSI, ils n’en restent pas moins paralysés par l’ampleur de la tâche ! Dommage, car les nombreux projets mis en œuvre depuis la fin des années 90 ont été autant d’occasions perdues de mener en parallèle une industrialisation de leurs processus, qui auraient conduit à une harmonisation progressive de la gestion du SI. En effet les « projets » d’aujourd’hui constitueront la « production » de demain et il semble naturel que tout nouveau système soit livré clés en main avec son outil de gestion.
La production informatique est encore loin du niveau d’industrialisation de la production manufacturière. Alors qu’aujourd’hui, l’industrie automobile est capable de produire « à la commande » près de 2000 véhicules par jour tous différents sur une même ligne d’assemblage, du côté de la Production Informatique, on travaille encore bien souvent comme au temps d’Henry Ford : des ouvriers produisant chacun dans leur spécialité des pièces hors normes, d’autres rectifiant à la main un travail de montage incorrect ! Les grands projets informatiques eux-mêmes continuent d’être menés avec des outils de pilotage opérationnels dérisoires, compensés par des moyens humains colossaux, qui mettent à mal le Retour Sur Investissement. Malgré cela, l’idée de s’outiller de solutions spécifiquement adaptées peine à germer au sein des DSI. A croire que personne ne serait choqué de voir débarquer des millions d’ouvriers pour creuser à la pioche le tunnel sous la Manche ! On trouverait même saugrenu que l’on puisse fabriquer un outil – un tunnelier – spécifiquement pour ce chantier !
Opter pour le pilotage par des « Processus Contrôlés » ! Face à cette situation, des applications standards de Pilotage de Projet tentent de s’imposer, mais ces outils sont bien souvent vécus par les équipes comme de véritables punitions, une surcharge de travail au bénéfice de la direction, qui ne leur apporte rien en retour ! S’installent en parallèle deux mondes déconnectés : d’un côté le management, peu impliqué dans la définition des processus ; de l’autre, les opérationnels qui tentent de faire avancer le travail. Le projet ne doit plus sa progression qu’à un « middleware » de tableurs improvisés, à une profusion chaotique d’emails aux listes de diffusion tellement longues qu’on ne sait plus à qui ils sont destinés – et à des réunions interminables où l’on traite de tout et de rien, puisque de toute façon on ne sait pas vraiment ce qu’il y a à faire ! Le management, dans l’impossibilité matériel de maîtriser les détails opérationnels, se trouve contraint à un pilotage par « Simple Constat du Résultat ». Mais imposer à ses équipes des objectifs avec force de convictions ne garantit en rien qu’on pourra les respecter ! Cet aveu d’impuissance oblige à repenser le rôle du manager opérationnel et à s’interroger sur la pertinence de son action lorsque de retard en retard il s’évertue à fixer de nouveaux objectifs. On obtient un premier élément de réponse en bouleversant l’habitude qui consiste à toujours représenter la direction en haut de l’organigramme hiérarchique et les acteurs opérationnels en bas. En se figurant un schéma inversé, le manager tout-puissant semble lui aussi être redevable auprès de ses collaborateurs. Son devoir ? Mettre en place un modèle d’organisation qui garantit le respect des objectifs qu’il impose. En somme, un pilotage par « Processus Contrôlés » plutôt que par « Simple Constat du Résultat ».
La clé du pilotage : structurer l’information opérationnelle ! Si depuis la fin des années 90 les grands groupes ont industrialisé leurs processus métier grâce notamment aux projets informatiques, à la DSI la notion de processus reste plus conceptuelle, car contrairement à la production manufacturière qui manipule des articles, la production informatique ne manipule que de l’information. Or la diversité des technologies les ont obligés à s’organiser par spécialités – Architecture, Infrastructure, Développement, etc. – parties prenantes sur tous les projets à la fois : car lorsque un métier commande un service, toutes sont sollicitées. Il en résulte une lourde charge de synchronisation de l’information que les uns attendent en entrée et les autres doivent fournir en sortie. Et justement, une grande partie du « bruit » qui règne à la DSI provient de l’énergie que chacun dépense pour acquérir « la bonne information » ! Dans un système de pilotage par « Processus Contrôlés », l’information étant structurée au niveau le plus fin avec un point d’accès unique, saisir une donnée devient un évènement majeur qui déclenche en temps réel l’action suivante. Le flux de communication en mode « PUSH » garantit aux équipes d’avoir toutes les cartes en main lorsque l’ordre de « produire » leur est donné, instaurant un système maîtrisé d’auto synchronisation des opérationnels.
Disposer d’un reporting en temps réel ! Pour construire un système de pilotage par « Processus Contrôlés » l’un des principes d’ITIL vient à notre secours : « l’amélioration continue ». Car pour adopter un nouveau système le mieux reste encore d’adapter l’existant ! L’essor des technologies web et des outils de développement graphiques a porté la programmation au niveau de simple configuration. En partant du « middleware » de tableurs développés par les opérationnels, on peut en quelques jours structurer l’information au sein d’une base de données partagée accessible par le navigateur internet. Un moteur de workflow permet de fiabiliser à moindre effort le flux de communication et de contrôler l’avancement. Enfin, un moteur de reporting permet de valoriser cette information en produisant des tableaux de bord communs, directement ancrés sur la réalité terrain. Pour la moitié du coût annuel d’un manager, on peut aujourd’hui doter progressivement son projet ou son organisation d’une suite d’outils homogènes, intégrés, résolument évolutifs et en parfaite adéquation avec les besoins du moment. Le management, en automatisant le flux vertical d’échanges avec les opérationnels, bénéficie d’une information mise à jour au fil de l’eau sans exiger d’efforts supplémentaires de leur part.
Gérer des équipes partenaires plutôt que concurrentes. Pour que cette mutation soit un réel succès, elle ne doit pas s’arrêter à la simple mise en œuvre d’outils, mais s’accompagner d’une forte motivation du management opérationnel à sortir de son camp retranché pour travailler en toute transparence avec ses partenaires. L’outil collaboratif n’est qu’un moyen pour le manager de jouer le rôle qui est le sien : non pas entretenir des conflits politiques stériles avec des équipes « concurrentes » mais assurer la bonne marche des opérations avec des équipes « partenaires ». C’est à ce prix que la globalité de l’information pourra être maîtrisée par tous les acteurs – toutes spécialités et tous niveaux hiérarchiques confondus – et que tous pourront parler d’une seule voix. En marge des gains de productivité immédiats qui en résultent, cette démarche permet durant les projets de capitaliser sur l’information manipulée, de sécuriser la phase de mise en production et de délivrer aux équipes d’exploitation un système de gestion éprouvé. Si vous parvenez à réaliser cette expérience au sein de votre DSI, vous pourrez dire que vous aussi, vous avez « fait de l’ITIL », un peu comme monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir !
Autres articles qui pourraient vous intéresser : |